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Dukkha, l'internet noir.

The Limbic Brain : Prologue 2 : L'initiation [6/7]

 

Je me leva de bon matin, avant l'aube. Je fis attention de ne réveiller personne et je partis discrètement attendre Iwan et Maciej dans la rue.

La ruelle était incroyablement calme. La nuit était fraîche, je m'avançais vers la route pour m'asseoir sur un banc, où je trouva Iwan qui admirait l'horizon imperceptible. Sans un mot je m'asseyais à coté de lui et regarda dans la même direction que lui.

-"Il va falloir faire un peu attention, le couvre-feu n'est pas levé" démarra Iwan à voix basse.

-"Tu ne veux pas attendre l'aube ?"

-"Oui, on pourrait aussi attendre que l'argent se déplace directement dans nos poches."

-"Je vois" gloussai-je

On entendit des rires au loin, qui venait du bout de la rue. Nous regardions en même temps dans la direction : c'était 2 soldats du KBW, qui avaient visiblement eu le temps de se réchauffer avec les deux bouteilles qu'ils tenaient chacun à la main.

-"Bouge pas, ils vont même pas nous voir"

Iwan et moi les regardions s'approcher en titubant. L'un des deux essayait visiblement de raconter une blague, mais il était pris d'un fou rire tellement puissant qu'il ne parvenait même pas à finir sa phrase. L'autre n'était pas non plus en reste, il riait en buvant l'air de sa bouteille. Les deux poivrots ne prirent même pas la peine de regarder dans notre direction. Ils commençaient à s'éloigner lorsque Maciej arriva en regardant vers les soldats.

-"Eh ben, y'en a qui manque de rien !" ria-t-il. "Par contre, vous, vous êtes inhumain. Vous dormez jamais ou quoi ?"

-"Si, la nuit" répondis-je en souriant

-"Allez, on tarde pas. J'ai laissé le camion au bout de la rue, dans un garage."

Nous suivions donc Iwan vers l'emplacement du camion. Iwan regarda sa montre et dit :

-"Le couvre-feu se lève bientôt, on va pouvoir rouler à peu près librement."

-"A peu près ?"

Il ricana, puis repris :

-"On est connus comme le loup blanc ici !"

Il tourna brusquement devant une grande porte de garage blanche sale. Il sortit une clef de sa poche, la tourna dans la serrure et ouvrit brutalement la porte d'un coup sec.

-"Attendez-moi là, je sors la bête" plaisanta-t-il avant de s'engouffrer dans le garage sombre et poussiéreux. Au bout de quelques secondes, les deux gros phares ronds nous éblouirent. Iwan sortit le véhicule du garage pour nous dévoiler un grand camion à plateau en bois. Il descendit, referma la porte du garage et remonta.

Moi et Maciej nous regardions, puis Iwan ouvrit la porte passager de l'intérieur.

-"Hé, je peux vous emmener quelque part mesdemoiselles ?" s'esclaffa Iwan

-"T'es bien en forme aujourd'hui !" ricana Maciej en montant dans le camion

-"Vous verrez, dans quelques temps c'est vous qui me parlerez comme ça !" ajouta Iwan me regardant monter à mon tour.

-"Bon, on va où ?" demandai-je une fois engagés dans la rue

-"Je vous emmène dans un petit quartier pas loin, les gens savent qu'on vient régulièrement. Vous aurez juste à m'aider à vendre tout ce qu'il y a derrière. On se déplacera sûrement un peu de temps en temps, on changera de quartier, y'a de quoi faire dans la ville. On vend tout, et on partage. Il doit bien y en avoir pour 10 millions*.

-"T'es en train de nous dire qu'on est assis sur 10 putains de millions ?!" s'exclama Maciej

-"Ouais, si on veut. Mais te réjouis pas trop vite, je dois déjà prendre mon investissement, la part pour Mikolaj*, et on divise le reste par 3 !" calma Iwan

-"Ouais, on devrait déjà essayer de vendre tout sa, non ?" ajoutai-je en gardant tout mon sang froid

-"Ouais, mais je vois pas ce qu'il pourrait nous arriver de très grave. C'est de l'argent facile, et personne n'a de raison de nous faire chier. Sa fait des années que je fais ça, j'ai jamais eu de problèmes."

 

*La part pour Mikolaj : Dans une mafia, toutes les activités effectuées par les membres doivent rapporter des fonds à la mafia ou au Parrain.

 

Iwan tourna dans une rue, passa un portail ouvert et nous arrivions sur une grande place vide, entourée de petits immeubles en briques. Le jour se levait. Iwan regarda sa montre et nous dit :

-"Ils vont pas tarder. Quand ils verront le camion, ils vont se précipiter. Je sais pas ce qu'ils mettent dans ses saloperies, mais les gens en redemandent."

Et en effet, au bout d'à peine 2 minutes, une dizaine de personnes étaient là. Il y en avait pour tous les goûts : des jeunes, des vieux, des femmes, des hommes. Ils attendaient patiemment leur tour tout en formant une masse autour du plateau en bois. Lorsque le groupe fut assez important, Iwan descendit. Nous l'imitions, et nous l'aidions à ouvrir l'arrière du camion.

-"Montez, vous me passerez les paquets quand je vous le demanderais" commanda Iwan

Nous nous exécutions, et ouvrit les cartons assez rapidement. Iwan prenait les commandes, et nous lui passions les paquets, les cartouches ou les cartons en fonction de la demande. L'ensemble était assez rythmée. Quand 2 personnes étaient servies, 3 autres arrivaient. Nous soutenions la cadence pendant une petite heure, jusqu'à ce que le dernier client soit servis.

-"On a fournis toute la ville ?" ria Maciej en descendant du plateau

-"Eh non, il nous reste quelques quartiers avant de rentrer !"

Nous nous rendions donc vers d'autres quartiers, tous bien différents. C'était la première fois que je pouvais admirer ma ville, ses paysages différents, ses grandes avenues étroites, ses campagnes boueuses, ses grands immeubles dans des quartiers plus pauvres les uns que les autres. Nous nous arrêtions régulièrement sur des places isolées, où nous attendaient une petite foule de riverains. Le  chargement diminuait à vue d'œil. Nous continuions pendant 2 bonnes heures, lorsqu'il ne restait plus que quelques cartouches.

-"On en fait une dernière. On a bien bossé les gars."

Nous nous rendions donc à la dernière adresse. Maciej comme moi étions épuisés.

Lorsque nous arrivions, je ne pus m'empêcher de remarquer le grand calme dans la rue. Iwan tournait à un angle qui nous fit arriver sur une vaste place, avec de multiples accès sur les différentes routes. Soudain, 2 énormes camions débarquaient d'une petite ruelle sur le côté de la place boueuse. Nous nous arrêtions vers le milieu, et nous fûmes rejoins par les deux camions qui s'arrêtaient devant nous. Je regardais avec de grands yeux exorbités une vingtaine de soldats descendre rapidement des camions, se positionner devant le notre et nous dévisager un par un. Je ne voyais pas qu'Iwan souriait.

-"C'est quoi ce putain de bordel ?!" hurla Maciej, visiblement très énervé

Iwan ne répondit pas, descendit du camion et se dirigea vers le plateau à l'arrière. Il fut suivis par 5 soldats. Nous nous regardions d'un air désolé avec Maciej, et nous descendions du camion. Je m'attendais à ce qu'on me plaque au sol et qu'une dizaine de fusils me pointe la tête, mais il n'en fut rien. Je regardais vers les deux gros camions noirs, et je distingua le sigle du KBW.

-"Bon vous venez tous les deux ?" nous appela Iwan

Nous nous dirigions vers l'arrière du camion, où la vingtaine de soldats attendaient après Iwan.

-"Allez, montez ! Qu'est ce que vous attendez ?"

Sans un mot, nous ouvrions le plateau et montions.

-"Alors capitaine, comme d'habitude ?" demanda Iwan à un homme sur sa droite.

-"Ouais, et si vous en avez en trop, je suis preneur." répondis le capitaine

-"Donnez moi tous le reste !" nous ordonna Iwan

Nous passions toutes les cartouches restantes au capitaine, et Iwan surveillait la transaction tout à fait naturellement. Une fois toute la cargaison épuisée, le capitaine sortit une petite liasse de billets et la tendit à Iwan en riant :

-"Merci messieurs ! Déguerpissez maintenant."

Nous descendions du camion, et la vingtaine de soldats remontèrent dans leur camion qui s'éclipsa rapidement, nous laissant Maciej, Iwan et moi au milieu de la place.

-"Iwan..." dis-je en le dévisageant

-"Oui Alexey ?" me répondit-il avec un large sourire

-"Plus JAMAIS, d'accords ?"

-"Oui, Alexey" gloussa-t-il en remontant au volant.

 

Comme promis, notre matinée de travail s'arrêtait là. Nous rentrions dans notre quartier après un quart d'heure de conduite. Iwan rentrât le camion dans le garage et nous accompagna jusqu'à notre ruelle.

-"Tenez, prenez ça." dit Iwan en nous tendant une liasse de billets

-"Ca nous fait combien ?" demanda Maciej

-"40 millions*, chacun !"                             *environ 900 €

-"Ca valait le coup !" m'exclamai-je

-"Vous voulez manger quelque chose ?" proposa Iwan

-"Nan, c'est bon. Je vais rentrer" répondis-je

-"Moi aussi, je tiens à me reposer après cette foutue journée !" ajouta Maciej

Nous saluions Maciej, et nous montions vers nos appartements. Je salua à mon tour Iwan, et nous rentrions dans nos domiciles respectifs.

 

-"Bonjour maman !"

-"Ah, Alexey ! Où étais-tu ?" questionna ma mère

-"Je... J'étais partis avec Iwan, on s'est promené dans la ville" répondis-je, gêné

-"Tu es de plus en plus absent Alexey. J'espère que tu ne fais pas trop de bêtises !"

-"Non, maman. Non. Où est Ewa ?"

-"Dans sa chambre. Elle a croiser la fille Patel au marché !"

-"Patel... Bon sang ! Mais qu'est ce qu'elle faisait ici ?" m'exclamais-je

-"Je n'en sais rien, ta sœur ne m'a rien dit. Elle était assez étrange en rentrant, tu devrais aller lui parler."

-"J'irais après le repas ! Qu'as-tu fait de bon ?"

-"Je n'ai pas beaucoup eu le temps de cuisiner... Je pensais que tu ne rentrerais pas, alors j'ai fait quelques pierogi*. Tu n'auras qu'à prendre la part de ta sœur, j'en referais pour elle."

 

*Pierogi : plat traditionnel polonais, semblable au ravioli, mais fourré généralement aux pommes de terre. Parfois d'autres ingrédient (ou mélanges) interviennent, ce plat joue donc le rôle de pot pourri en Europe de l'Est (puisqu'il permet de finir les restes).

 

Je mangeais rapidement le repas que ma mère m'avait préparé, et je me rendis dans la chambre où ma sœur était assise sur son lit, et fixait le sol. Je m'assis à côté d'elle et la prit par l'épaule.

-"Maman m'a dit que tu avais vu la fille Patel ?"

-"Oui, au marché." répondit-elle en un soupir

-"Sa c'est mal passé ?" demandai-je, inquiet

-"Si... Enfin... Non..."

Un instant de silence s'installa, puis elle reprit :

-"J'ai recroisé le russe..."

-"BORDEL !" criai-je en me levant brusquement

-"Mais il n'a rien fait ! Il y avait son ami... Je ne me souviens plus de son nom... Il m'a défendu"

-"Je vais me le faire" murmurai-je en serrant les poings

-"Non Alexey ! Ce n'est rien ! On va réussir à payer..."

-"Une fois que tu auras payé, qu'est ce qu'il te dit qu'il va vous laisser ? Ces salopards ne méritent que de crever !" surenchérissais-je en frappant dans le mur.

Ma mère ouvrit la porte :

-"Mais qu'est ce qu'il se passe ici ?"

Je me retourna et la regarda un instant, en essayant de reprendre mon calme.

-"Rien, maman. Rien" dis-je calmement

Elle repartit en refermant la porte délicatement. Je me redirigea vers ma sœur et m'agenouilla devant elle, alors qu'elle était toujours assise sur le lit.

-"Ecoute... Je vais régler toute cette histoire, d'accords ? Tu n'entendra plus jamais parler de ce russe. Evite de sortir jusqu'à ce que je m'occupe de tout."

-"Qu'est ce que tu va faire ?" interrogea-t-elle

-"Tu tiens vraiment à savoir ?" répondis-je en me redressant

-"Qu'est ce que tu deviens, Alexey..." soupira-t-elle en baissant les yeux

Je quitta la pièce sans un mot. En retournant dans la salle à manger, je vis ma mère qui regardait par la seule fenêtre de la pièce. Sans faire de bruits, je quitta l'appartement et frappa à la porte d'Iwan. Il vint rapidement m'ouvrir :

-"Tu veux manger quelque chose finalement ?"

-"Non, non. C'est pour les russes."

-"Ah ! Oui ! Ca m'était sortis de la tête. Entre, j'ai du nouveau."

Je m'installa, comme à mon habitude, à la table.

-"Je te sers pas de wodka, j'en ai plus !" dit-il en s'asseyant

-"On s'en passera."

-"Bon. J'en ai parler à Mikolaj, qui était bien évidement préoccupé. C'est pas tellement dans les habitudes des russes de se pointer par ici, ils savent que le coin est bien sous notre emprise. Ils devaient connaître ton père, ils s'acharnent sur ta famille. Partis de là, je vois qu'une seule façon de leur faire passer l'envie..."

-"On les bute tous ?"

Il ricana un instant puis repris :

-"Non, on va éviter de faire la une des journaux. Sa peut se faire discrètement, tout en étant aussi efficace."

-"C'est à dire ?"

-"Une bonne grosse raclée. On y va, à plusieurs, et on leur apprends la politesse. On casse quelques trucs, on tabasse les petits malins qui voudront défendre leur bar, et on se casse. Rien de plus, rien de moins. Juste ce qu'il faut, mais pas assez pour déclencher une guerre."

-"Tu sais déjà qui on pourra emmener ?"

-"Je suppose que la question ne se pose pas pour toi. J'en serais évidement, parle-en à Maciej, je verrais si Cyryl pourra nous prêter un coup de main, et on prendra 3 ou 4 autres gars. Ne t'attends pas à voir du sang sur les murs."

-"Si tu juge que ça peut leur faire passer l'envie de s'en prendre à ma sœur, je ferais ce qu'il faut."

-"Excellent ! Je te tiens au courant, mais ça va vite être régler."

-"Très bien Iwan. Merci."

-"Mais de rien Alexey, c'est normal."

 

 

Première publication : 29-03-2014 12:50:26

 



20/04/2015
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