SIXIEME SINISTRE Chapitre7
CHAPITRE 7
Les murmures du géant, somnolant, résonne dans les longs couloirs vides et sombres:
-”Non… Ne fais pas ça… On n’a pas le droit… Ton père va me tuer…”.
Il entre vraisemblablement en état de panique lorsqu’il hurle:
“ARRÊTE !”.
Réveillé par son cauchemar, il scrute tout autour de lui.
Blanc, les yeux cernés, visiblement plus épuisé encore qu’auparavant, Kavatche suffoque de longues minutes, n’arrivant pas à reprendre son souffle mais retrouvant désespérément la mémoire, essuyant son visage couvert de sueur, toujours prisonnier de cette cellule infernale.
Constatant la discrète réapparition de la silhouette, il ne peut s'empêcher d’exprimer sa colère:
-”D’où te vient cette habitude d’abandonner les gens dans le besoin?”
Elle, patiente inlassablement, sans un bruit, dissimulée dans l’ombre.
“Je sais ce que tu veux…”, bafouille t’il, avant d’être pris d’une toux grasse interminable, qui l’essouffle.
Prévenant, il se précipite alors à l’évier, boit difficilement quelques gorgées d’eau, pensant calmer la maladie mais sans succès, vomissant abondamment jusqu’à s’effondrer à terre, sonné.
“Arfh… Bordel ! Comment est ce possible de gerber autant avec rien dans le bide?!”, s'égosille t’il
“Ça va, rassure toi ! Je vais la continuer mon histoire, foutu enfoiré !
Merde, où en étais-je déjà?
Ah ouais. Ma discussion avec Samana.
Le temps semblait se gâter, et la pluie tomberait sans doute avant que l’on quitte le canyon, mais pourtant, la chaleur était étouffante, et chacun d’entre nous se devait alors de se désaltérer régulièrement avec l’eau claire et fraîche du fleuve.
Samana m’offrait son collier d’herbes, le passant autour de mon cou, espérant sans doute gagner ma confiance afin que je me confis à elle.
Lui parler de mes soucis aurait été d’une grande aide, à n’en pas douter, mais je me refusais à elle.
Par prudence, mais aussi par crainte.
Ce que j’avais vu…
Bëdia était revenu d’entre les morts, aussi incroyable que cela puisse paraître, ça ne faisait aucun doute pour moi. Mais qui pourrait croire une telle chose?
Je me décida finalement à entamer le dialogue, modérant mes mots, pour m’adapter à ses réactions, et jouer de l’improvisation."
-”Je ne sais pas vraiment comment présenter ça…”, convient il,
“Tu m’as dis que les livres Atshans trouvent réponse à tout, pas vrai? Est ce que l’un d’entre eux explique le fait… D’avoir les yeux bleus?”
-”Des yeux bleus?!”, s’exclame t’elle.
Le géant acquiesçant, décèle aisément la surprise dans le regard de la jeune femme.
“Le Zedong.
Un volcan situé à l'ouest, endormit depuis des millénaires, qui autrefois entra en éruption, expulsant des quantités astronomiques de Senfgas, un gaz unique et très dangereux n’existant que sur notre planète Ishka, qui terrassa toute forme de vie aux alentours, étouffant ses victimes en rendant l'air irrespirable.
Avec le temps, le gaz se dissipa partiellement, et devient alors bien moins dangereux.
Cependant, nous découvrions ces capacités méconnues, et notamment une, qui a pour particularité d’intensifier la production de mélanine chez celui qui le respire.
Irrémédiablement, cela cause alors les séquelles que l’on connaît: cheveux, peau et bien sur yeux de couleur foncées.
Malgré cela, il arrive parfois qu’à Liür, au sud éloigné, un enfant naisse avec des yeux plus claires que la normal. Cependant, cela ne dure pas et très vite, il est contraint de s’adapter aux lois biologiques de notre planète. Si aujourd'hui l'homme s'est adapté à ces contraintes, nous gardons en tête que le Senfgas est dangereux. Il existe des endroits sur Ishka où sa concentration dans l'air est si élevé qu'il pourrait étouffer celui qui l'inhale en quelques bouffés seulement.”
“Tu as rencontré quelqu’un ayant des yeux bleus?”
-”Je ne suis pas trop sûr…”, fabule Kavatche, lançant une pierre plate dans l’eau, qui disparait après deux ricochets.
Le ciel s’obscurcit progressivement, et d’épais nuages noires emportés par le souffle chaud du vent submergent l’horizon.
“Mais je dois avouer que cela me surprend encore maintenant. J’ai toujours pensé qu’Ishka empêchait d’avoir les yeux claires, à cause de ce volcan....”.
Je compris très vite que cette conversation ne m’apporterait rien de bon. Samana devenait étrangement curieuse, et insistante.
Tôt ou tard, j’aurai fini par lui avouer la vérité, et j’appréhendais sa réaction. Alors il me parut indispensable de détourner rapidement la conversation.
-”Oublie ça, tu sais, avec la lumière du jour et la distance, j’ai peut être mal interprété ce que j’ai vu.”.
Montrant du doigt, il l’interroge:
“Tu pense que quelqu’un a vécu dans cette abris autrefois?”
Une cabane très ancienne se tient dignement debout, de l’autre côté du large fleuve, ayant miraculeusement survécu aux ravages du temps.
-”Il doit y avoir quelque chose de magique par ici…”, pense Samana, rêveuse,
“C’est vrai. La cité de Listice... Et cette abris... Malgré les millénaires, ils toujours là.”.
-”Tu as peut être raison.”, consent il, apaisé par ce spectacle.
-”Je pense que c’est un lieu de prière.”, suppose t’elle désormais, face à Kavatche, fasciné.
Elle lui explique alors:
”Ses murs ont perdu de leur couleurs, mais ils étaient vraisemblablement rouges, avant. Il y a des estampes gravés en blancs sur les côtés… Exactement comme nos temples à Atsha.”.
-”C’est intéressant. A Dirpiët, on ne sait pas grand chose d’Atsha, même si des rumeurs et des légendes circulent.”, témoigne t’il, songeur:
“J’ignore pour quelle raison, notre gouvernement à toujours prit grand soin d’éviter ceux du nord… Les Sharartians. Les Atshans… Peut être leurs puissances militaires, qui sais?”.
-”J’en doute. Atsha n’a jamais été adepte des conflits armés.”, rétorque la jeune femme, tissant un second collier pour elle.
-”D’accord. Malgré tout, cela reste un peuple puissant. Au sud, Liür contrôle l’ensemble du territoire d’une main de fer depuis si longtemps que personne ne peut prétendre à les déloger de la péninsule, désormais. Dirpïet, Kron et Ulisin… C’est la rigueur de cette union qui maintient la paix, en fin de compte…”
Concentré, Samana travail méticuleusement chaque phases de la confection de son bijou végétale. Le terminant enfin, cherchant à assouvir sa curiosité, elle demande:
-”Dit moi, quel genre de légendes circulent sur nous à Dirpïet?”
Surpris, Kavatche ne sait quoi répondre et hésite.
-“Hé bien... Il y en a de différentes sortes... Par exemple, j’ai souvent entendu dire qu’Atsha est une ville construite sur une gigantesque plate forme aérienne, s’élevant au dessus des arbres”.
-”Ça, c’est vrai.”, confirme t’elle, invitant d’un regard son ami à poursuivre.
-”On dit qu’ils n’ont pas de système monétaire à proprement parlé, et que les échanges sont basés sur l'honnêteté.”.
Samana, souriante, approuve de nouveau ses dires d’un hochement de tête, soulignant tout de même:
-”Vrai, en parti.”.
Satisfait, le géant poursuit sereinement:
-”Leurs croyances religieuses sont fondées sur le Vladisme, une …”,
-”Faux. Désolé.” l’interrompt elle, amusé, l'éclaircissant alors:
“Tu confond beaucoup de choses. Nos croyances portent le nom de notre peuple: Atsha. Le Vladisme est une variante de notre culture, qui n’est finalement pratiquée qu’à Kron, où elle est d’ailleurs interdite, car souvent associée par erreur aux rebelles extrémistes. Drefl et Fy sont adepte du Vladisme.”
-”D’accord, je comprend. Quoi d’autres? Est-il vrai que les Atshans portent un grand intérêt à la famille?”
-”C’est vrai. D’ailleurs, il est fréquent que toute les générations d’une familles cohabitent ensemble, parfois dans de très petite maison. La solidarité est une vertu, et c’est à elle que l’on doit la grandeur de notre peuple.”, assure t’elle, avant d’être interrompu à son tour par Fy, ayant entendu la conversation:
-”C’est amusant d'entendre ça.”, proclame elle, agressive:
“Surtout dans la bouche de quelqu’un qui a été expulsé par son propre peuple.”
Publié le 30/09/2015.
